La question de l'avortement et de l'âme du bébé est un sujet complexe, suscitant des débats passionnés et des opinions divergentes. Certains la considèrent incongrue, d'autres provocatrice. Pourtant, elle a été abordée dans l'Antiquité, notamment par les platoniciens, qui s'inspiraient de la doctrine stoïcienne.
Les présupposés philosophiques
Pour comprendre la perspective platonicienne, il est essentiel de se pencher sur les fondements de sa philosophie. Platon défend une doctrine caractérisée par une double interversion. Premièrement, il considère que le monde sensible n'est qu'une image du monde des "formes intelligibles", qui constituent la réalité véritable. Deuxièmement, il affirme que l'être humain ne se réduit pas à son corps, mais que sa véritable identité coïncide avec son âme, qui est le principe de tout mouvement, aussi bien matériel que spirituel.
Pour Platon, un vivant est un être doté d'un corps et d'une âme. Parmi les vivants, certains sont mortels, c'est-à-dire que leur corps peut être détruit et que leur âme peut s'en séparer, tandis que d'autres sont immortels, car leur corps ne peut être détruit.
Le continuum des vivants
Platon établit un continuum des vivants, du plus parfait au moins parfait. Au sommet se trouve le monde, dont le corps est une sphère qui tourne sur place. Viennent ensuite les astres fixes et les planètes, puis la terre, privée de mouvement. Les dieux traditionnels sont également considérés comme des vivants immortels, dotés d'une âme immortelle pourvue d'intellect et d'un corps indestructible.
Puis viennent les êtres humains et les animaux, dont le corps est destructible. Leur âme est une entité immortelle qui a une personnalité et une histoire. Après la mort, elle passe d'un corps à un autre, récompensée ou punie en fonction de la qualité de son existence antérieure.
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Les pérégrinations de l'âme humaine (et animale)
Les âmes inférieures sont soumises à la temporalité et à des cycles de dix périodes, avec un système de récompenses et de punitions basé sur la métensomatose, c'est-à-dire le passage d'une âme d'un corps à un autre.
Au cours de la première période de chaque cycle, l'intellect (noûs) de l'âme contemple directement les réalités intelligibles. À la fin de ce premier millénaire, toutes les âmes qui peuvent être associées à un corps mortel tombent nécessairement dans un corps d'homme.
Dès le début de la seconde période, s'instaure une hiérarchie qui dépend de la qualité de la contemplation des formes durant la période antérieure. Neuf types d'hommes sont pris en considération, et ceux qui ont choisi une vie droite pendant trois périodes successives peuvent s'échapper du cycle des réincarnations. Les autres passent d'un corps à un autre, déterminé par la qualité de leur vie antérieure.
La sexualité n'apparaît qu'au cours de la troisième période, avec l'apparition des sexes. Puis viennent des incarnations en différents types d'animaux, classés en fonction des éléments.
Les conséquences
La métensomatose entraîne une nouvelle vision du monde animal et du monde végétal. Le corps humain (et animal) illustre la qualité de l'âme qui le meut, et le monde animal devient une immense galerie de qualités morales.
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Tout comme les êtres humains, l'âme des animaux est dotée d'un intellect. Puisqu'ils sont dotés d'une âme rationnelle, l'être humain ne peut tuer les animaux pour les manger, car il deviendrait un cannibale.
Pour assurer la survie de l'être humain, Platon lui donne comme nourriture les végétaux, qui sont dotés d'une âme, mais dépourvue d'intellect.
La venue d'une âme dans tel ou tel embryon
Dans l'Antiquité, médecins et philosophes se sont interrogés sur le moment où un embryon devenait un vivant à proprement parler, c'est-à-dire quand il recevait une âme dotée de sensation et pouvant inciter à un mouvement local spontané.
Dans le Timée, Platon explique que le mâle dépose dans la matrice son sperme, qui transporte des vivants qui ne sont pas encore bien formés. D'une certaine façon, Platon peut être considéré comme un "préformiste", dans la mesure où le sperme transporte des êtres vivants déjà formés, même s'ils sont invisibles et encore incomplets.
L'avortement à l'époque moderne : Perspectives religieuses et scientifiques
À l'époque moderne, la doctrine catholique considère l'avortement volontaire comme un homicide. Toutefois, des nuances existent, notamment en ce qui concerne le moment où l'avortement est considéré comme un homicide à proprement parler. La question de l'animation du fœtus, c'est-à-dire le moment où l'âme est infusée dans le fœtus, est également un sujet de débat important.
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En 1762, Francesco-Emmanuele Cangiamila publie un ouvrage consacré aux enjeux spirituels de la grossesse et de l'accouchement, dans lequel il aborde la question de l'avortement. Il donne une importance considérable à la nécessité du baptême pour tous, ce qui l'amène à adopter un positionnement tranché sur la question de l'animation du fœtus.
Cangiamila remet en cause le modèle théorique fixant l'animation à 40 jours et hérité d'Aristote. Il utilise des arguments basés sur la science contemporaine pour défendre l'idée que l'animation peut se produire à un stade très précoce de la grossesse. Il finit par conclure qu'il est sage d'incliner pour la plus prompte animation, car ce sentiment a beaucoup d'avantages et n'a nul inconvénient.
Le débat contemporain sur l'avortement
Le débat contemporain sur l'avortement se concentre principalement sur la question du statut moral de l'embryon humain. Les partisans et les opposants à l'avortement s'opposent sur les questions suivantes : l'embryon est-il un être humain ? Est-il une personne humaine ? A quoi renvoie exactement la notion de personne ? Est-il nécessaire et suffisant d'être un être humain pour avoir un statut moral et avoir le droit de vivre ?
La notion de personne renvoie traditionnellement à une entité capable de manifester certaines propriétés mentales, comme la conscience de soi, la volonté, la capacité de prendre des décisions, de communiquer et d'entretenir des liens affectifs. Cependant, ces critères sont discutables, car ils excluent les jeunes enfants, les individus dans le coma ou ayant un handicap cognitif sévère.
Aspects juridiques de l'avortement en France
La loi autorisant l'interruption volontaire de grossesse (IVG) est entrée en vigueur en France en 1975. Depuis 2001, le délai pour recourir à l'IVG est de douze semaines. La législation française distingue l'IVG de l'interruption médicale de grossesse (IMG), qui est autorisée sans restriction de délai pour motif médical.
Du point de vue légal, l'avortement est toujours réputé volontaire. Les entités anténatales ne jouissent pas de droits civiques, car la personnalité juridique ne s'octroie qu'à la naissance. Cependant, l'article 1er de la loi sur l'IVG affirme que "la loi assure la primauté de la personne, interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect de l'être humain dès le commencement de sa vie".
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